Image montrant des ballons en forme de coeurs et de lèvres pour illustrer le polyamour

Je m’appelle Véronique, j’ai presque 40 ans et je suis polyamoureuse depuis quasi 15 ans. Enfin, plus exactement, j’ai découvert ce terme et ce concept il y a bientôt 15 ans mais je crois qu’en fait je suis polyamoureuse depuis toujours ! Je vous ai perdus ? Pas de panique, je vous explique tout !

Un amour de la liberté fortement ancré

Adolescente, j’étais déjà fortement éprise de liberté. Le Prince charmant, le mariage et les enfants : très peu pour moi. À 14 ans, je clamais haut et fort que je ne me marierai pas ou que ce serait en jeans-baskets car le mariage ne représentait rien pour moi, c’était juste un bout de papier (bon finalement, je me suis mariée et je ne portais ni jeans ni baskets mais une robe courte et colorée et c’était uniquement pour des raisons de simplification administrative). 

À 16-17 ans, je savais que je ne voulais pas d’enfants (sur ce point je n’ai pas changé d’avis). J’avais des idées bien arrêtées sur l’amour et la vie de couple. Par exemple, je croyais fermement que l’amour avec un grand A existait, que je le rencontrerais un jour. Pour autant, je ne le confondais pas avec l’idéal du Prince charmant. J’étais suffisamment indépendante pour ne pas vouloir de ce modèle. 

Avec ma meilleure amie, nous avions de longues discussions-débats sur des sujets divers, notamment les garçons. J’avais un point de vue très différent du sien et de la norme. Par exemple, je ne pensais pas que l’adultère, la tromperie mettait forcément fin à une relation, que si l’autre me trompait, il avait forcément tous les torts. Je pensais que cela cachait plus sûrement des problèmes dans le couple et que dans ce cas, les 2 étaient responsables. Cela pouvait également être une erreur, une impulsion. 

Mon amie ne me comprenait pas trop, elle était plutôt du genre jalouse et possessive et ne supportait pas cette idée. Moi, je crois que je tenais trop à ma liberté et à la Liberté en général pour être jalouse et possessive.

La découverte de l’amour et ses aléas

Quelques années plus tard, lorsque j’étais étudiante, j’ai rencontré un garçon, étudiant également. Nous sommes sortis ensemble et tombés amoureux. Deux ans plus tard, j’emménageais avec lui dans une autre ville. J’étais encore étudiante mais je n’avais plus de cours, juste un mémoire à écrire. Je passais donc mes journées seule dans l’appartement tandis que mon copain allait à la fac étudier, il était en doctorat.

C’était les premières années d’Internet et des réseaux sociaux et j’y passais beaucoup de temps. Je discutais notamment avec un ami sur MSN. Nous nous étions rencontrés lorsqu’il était en couple avec ma meilleure amie (celle dont je vous ai parlée plus haut). 

Puis leur relation s’est étiolée et il m’a contactée pour avoir des conseils. Finalement, ils ont rompu. C’était très difficile pour lui (elle l’avait quitté pour un autre). Nous avons passé de longues heures à discuter sur MSN, de sa rupture d’abord puis d’autres sujets : ma vie de couple, les séries TV, sa vie de prof, nos familles, etc. On rigolait beaucoup. 

Je le considérais comme un grand frère. Il était toujours là pour moi. À cette époque, mon copain a eu des soucis de santé et ça a été très difficile pour moi. Je me souviens d’un jour où je l’ai appelé à minuit en sortant des urgences où j’avais laissé mon copain. J’étais toujours dans la voiture sur le parking de l’hôpital. J’ai pleuré, beaucoup parlé, il m’a écouté. 

Jamais il ne m’a fait sentir que je le dérangeais. Il a été patient, rassurant et a attendu que je sois assez calme pour reprendre le volant et rentrer chez moi.

Entre les 2 mon cœur balance

Petit à petit, nous nous sommes rapprochés. Nos conversations étaient parfois très intimes, nous parlions de sexualité, de nos fantasmes… Il me disait que j’avais une voix sensuelle, je l’appelais Jolicœur. Bref, j’ai fini par tomber amoureuse. Je sentais que lui aussi. Pour autant, mes sentiments pour mon copain n’avaient pas changé. J’étais perdue…

On pouvait aimer deux personnes en même temps ? Apparemment oui, puisque c’est ce qui m’arrivait ! J’avais besoin de voir où ça allait me mener. J’avais besoin d’être sûr de mes sentiments, que c’était pas juste mon imagination, que c’était pas juste dû au fait que nous habitions loin, nous voyions peu et communiquions surtout par tél et MSN. J’ai donc pris le train pour Paris (il habitait en région parisienne). Je ne lui ai rien dit avant. Je lui ai envoyé un message une fois dans le train, pour lui faire la surprise (et qu’il m’attende sur le quai). 

J’ai dit à mon copain que j’allais voir ma meilleure amie, l’aider à préparer son mariage qui devait avoir lieu quelques mois plus tard. Oui, je lui ai menti car à ce moment-là, je ne savais pas trop où j’en étais et je ne voulais pas le blesser. J’avais l’intention de tout lui dire à mon retour, quelques jours plus tard. Je culpabilisais un peu et savais que je ne voulais pas lui mentir plus longtemps.

Dans le train, je me suis changée, j’ai mis des vêtements un peu plus sexy et me suis remaquillée. J’avais le cœur qui battait à cent à l’heure. Ça ne s’est pas arrangé quand le train s’est arrêté et que je l’ai vu sur le quai. Je ne me rappelle pas tous les détails mais je sais qu’au départ on ne savait pas trop comment se comporter l’un avec l’autre. On était à la fois excités et intimidés. Bref, je ne vais pas vous faire un dessin. 

On a passé un super week-end. En rentrant, j’étais à la fois heureuse d’avoir passé un si bon week-end et angoissée par la réaction à venir de mon copain. Là, c’est moi qui ait été surprise. Il avait tout deviné et ne m’en voulait pas. Il tenait à moi, m’aimait, savait combien ma liberté était importante pour moi et n’avait absolument pas l’intention de m’emprisonner. Il n’était pas jaloux, encore moins possessif.

La découverte du polyamour

J’avais donc 2 amours. Je ne voulais pas quitter l’un ni vivre avec l’autre. J’aimais les deux. Je les voulais tous les deux. Chacun d’eux me voulait et acceptait l’existence de l’autre. Plus ou moins facilement, mais on vivait au jour le jour et on verrait bien ce que l’avenir nous réserverait. 

Justement, l’avenir, la société, j’y pensais. J’avais toujours appris que les relations ça fonctionnait (ou pas) par couple. L’amour allait toujours par 2. Je n’avais aucun autre exemple. La polygamie, les harems… ça fait pas vraiment rêver. C’est rarement les femmes qui en profitent ! J’étais perdue entre mes sentiments et ce qui était attendu par la société. Je n’avais personne à qui en parler à part les deux personnes concernées.

J’ai donc fait des recherches sur Internet, je ne me souviens pas quels mots-clés j’ai tapés. Je suis tombé sur des sites, des forums qui parlaient de polyamour. J’ai découvert Françoise Simpère, considérée comme une référence sur le sujet en France (j’ai d’ailleurs eu la chance de la rencontrer il y a quelques années, c’est une femme extrêmement sympathique). Elle a publié plusieurs livres sur le sujet dont un qui est sorti justement à cette époque, quand je m’intéressais au sujet : Le guide des amours plurielles. Je l’ai acheté dès sa sortie et l’ai dévoré. Ce livre a changé ma vie. 

Je n’étais plus seule, pas plus bizarre qu’une autre. D’autres personnes avaient vécu ce que je vivais, le vivaient actuellement. Cela n’avait rien de nouveau, d’étrange. C’était juste méconnu par la société qui n’aime pas les différences.

Le polyamour : une solution magique ?

Alors non le polyamour n’a rien de magique, c’est juste une autre manière d’envisager ses relations amoureuses. Cependant, quand j’ai découvert ce concept, cette philosophie, je l’ai ressenti comme quelque chose de magique. Tout simplement, parce que d’une certaine manière, j’avais toujours pensé de cette manière sans avoir jamais mis de mots dessus. 

Il y a une phrase qui m’a marquée à l’époque. Je ne sais plus si c’était dans le livre ou sur un article de blog, ni les mots exacts mais ça disait quelque chose comme ça : on peut aimer la confiture et le chocolat sans que cela pose problème. Personne ne nous demande de choisir la confiture ou bien le chocolat. 

Alors pourquoi ce serait différent en amour ? Oui pourquoi ? Le polyamour n’est ni du libertinage, ni de l’échangisme, encore moins un prétexte pour tromper son ou sa conjointe. Au contraire, c’est une philosophie qui demande beaucoup de “travail”. Les partenaires doivent être d’accord, il faut de la patience, de la bienveillance, de l’organisation parfois. 

Le polyamour n’exempte pas de la jalousie, des ruptures difficiles, des chagrins d’amour… Le polyamour ne va pas remplacer le couple traditionnel, c’est juste une alternative. Pour travailler, vous avez le choix, vous pouvez être salarié ou vous pouvez être votre propre patron ou encore diriger une entreprise avec plein de salariés. En amour c’est pareil, vous avez le choix. Le couple traditionnel n’est pas la seule possibilité. Le polyamour n’empêche pas non plus d’avoir des enfants, de nombreuses personnes polyamoureuses ont des enfants qui vont très bien et ne sont pas forcément devenus polyamoureux à leur tour.

Et après ?

Vous êtes curieux, vous voulez connaître la suite de mon histoire ? Nous avons continué tous les trois pendant un petit bout de temps puis ma relation avec Jolicœur s’est étiolée. Mes sentiments ont changé, les siens aussi et nous avons rompu. Il a coupé les ponts et je n’ai plus de nouvelles depuis longtemps.

La rupture a été difficile car avant d’être amants, nous étions amis. Je vous l’ai dit plus haut, je le considérais comme un grand frère alors ne plus l’avoir dans ma vie ça a été dur. D’autant, que cela s’est passé de manière un peu brutale. J’aurais aimé qu’on puisse rester amis. Je sais que le polyamour ce n’était pas trop son truc. Il ne voulait pas d’enfants mais rêvait quand même d’une relation plus “classique”. 

De mon côté, je suis toujours avec le garçon rencontré quand j’étais étudiante. Nous nous sommes mariés il y a quelques années. Avons-nous renoncé au polyamour ? Non. Comme je l’ai dit plus haut, c’est une philosophie, une manière de penser. Je n’ai pas changé de personnalité, mon conjoint non plus. Nous n’avons pas d’autres relations actuellement. Nous n’en recherchons pas non plus (comme je n’ai pas cherché à tomber amoureuse d’un autre à l’époque). Si cela doit se faire, cela se fera. 

Être polyamoureux ne signifie pas multiplier les relations. Je suis ouverte. Je sais que l’amour ne se commande pas, il se vit. Si je tombe amoureuse demain ? Eh bien, j’aviserai ! Je sais que je serai honnête avec mon mari. Pour le reste, je ne préjuge de rien.

Ma vision du polyamour

Ce que j’aime avec le polyamour ou les amours plurielles, dénomination que beaucoup préfèrent, c’est qu’il n’y a pas de règles. Enfin, si. Le respect est la base. Mais il est la base de toute relation, qu’elle soit amoureuse, amicale, professionnelle… Ce n’est pas propre au polyamour. Quand je dis qu’il n’y a pas de règles, je veux dire par là que chacun et chacune a sa vision, sa perception du polyamour, chacun et chacune le vit à sa manière. 

Certaines personnes ont une relation de base, un peu comme un couple traditionnel avec d’autres relations secondaires qui gravitent autour. D’autres ne mettent aucune hiérarchie entre leurs différentes relations. Certains et certaines ont des enfants d’autres non. Certains et certaines veulent connaître les relations de leurs partenaires, d’autres, au contraire, s’en fichent. Bref, chacun et chacune régit ses relations comme il l’entend. La seule condition c’est le respect : de soi-même bien sûr et de ses différents partenaires. Il est donc important de communiquer !

Ce qui me plaît personnellement dans cette philosophie (oui pour moi c’est plus une philosophie qu’un concept), c’est justement cette liberté. Je ne me sens pas enfermée dans un modèle prédéfini (mariage, maison, enfants, chien…), je vis ma vie comme je l’entends. Je peux avoir une seule relation à un moment donné et plusieurs à un autre moment. C’est moi qui décide. Je suis donc polyamoureuse et entrepreneuse 😉

Un dernier conseil pour la route ?

Je ne crois pas qu’on devienne polyamoureux ou polyamoureuse comme ça juste parce qu’on l’a décidé. C’est vraiment une manière de vivre, plus encore, une manière de penser. Bien sûr, on évolue et notre pensée également mais on ne change pas foncièrement, notre base reste la même. Aussi, si vous êtes épanouis dans une relation monogame, il n’y a aucune raison de changer. Si ce n’est pas le cas, le polyamour n’est pas forcément la solution. 

Interrogez-vous sur ce que vous souhaitez, sur vos valeurs. Qu’est ce qui est important pour vous ? De quoi avez-vous besoin pour être heureuse (sachant que si vous attendez de l’autre qu’il vous rende heureux, vous risquez d’être déçu, vous êtes la personne capable de vous rendre heureuse vous-même) ? Qu’attendez-vous d’une relation ? Vous sentez-vous capable de partager ? Gérer la jalousie ? Quoiqu’il en soit, parlez-en avec votre partenaire. Lisez, discutez avec d’autres personnes : il existe des groupes de discussion réels et virtuels. Vous y serez les bienvenus et pourrez poser vos questions.

Le sujet vous intéresse ? 

Si vous avez envie de découvrir un peu plus le sujet, voici quelques ressources. La liste n’est évidemment pas exhaustive et si vous comprenez l’anglais, il en existe encore plus dans cette langue !

  • Le Guide des amours plurielles et Aimer plusieurs hommes de Françoise Simpère. À ma connaissance, ils sont tous deux épuisés mais vous pouvez peut-être les trouver d’occasion. Ce sont deux « classiques » du sujet en langue française.
  • Le film Lutine d’Isabelle Broué ; elle a également un projet de livre sur le sujet. Suivez-la sur les réseaux (Isa Lutine sur FB) pour en savoir plus.
  • https://polyamour.info/ : vous y trouverez notamment plein d’infos, de ressources…
  • Le blog de Françoise Simpère : elle y parle de polyamour mais aussi d’autres sujets : elle était journaliste.
  • L’île des gauchers, d’Alexandre Jardin : il n’est pas question de polyamour à proprement parler (je ne crois pas que le mot figure dans le roman) mais c’est une belle histoire qui invite à la liberté, à la différence et à l’ouverture d’esprit.

Pour finir, je veux remercier Séverine de m’avoir laisser témoigner sur ce sujet qui me tient à cœur et dont pourtant je parle peu. Si j’assume complètement d’être polyamoureuse, peu de personnes de mon entourage sont au courant. Non pas que je m’en cache, mais tout simplement parce que c’est un sujet peu abordé dans la vie quotidienne, encore moins une fois que vous êtes « en couple » ! Je suis donc ravie d’avoir pu témoigner de mon expérience et exprimer ma vision de l’amour.

Si vous souhaitez poursuivre la discussion, les commentaires sont ouverts !

Véronique Dessogne

https://plumondaine.fr/